Conférence Internationale sur l’Emergence de l’Afrique

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18 au 20 mars – Abidjan, Côte d’Ivoire

19 mars – Session Plénière 2

“Expérience du Brésil en matière de transformation structurelle” (par Celso Marcondes, directeur de l’Institut Lula

Bonjour à tous,

Je voudrais tout d’abord exprimer mes remerciements au Ministère du Plan et du Développement de Côte d’Ivoire pour l’invitation qui m’a été faite.

On m’a demandé de parler sur l“Expérience du Brésil en matière de transformation structurelle”.

Avant tout, j’aimerais souligner le fait que la motivation de l’Institut Lula à comparaître aujourd’hui à cette conférence est précisément le désir de connaître d’autres expériences,

et d’échanger des connaissances et savoirs avec les autorités d’autres pays, désireux, comme nous, de combattre les inégalités sociales et de lutter pour un monde plus juste.

En fait, nous sommes tous ici aujourd’hui pour partager des informations, et connaître d’autres efforts entrepris dans ce même sens et qui puissent servir également de référence au Brésil.

Voici, donc, l’expérience que nous pouvons partager sans avoir la prétention de dicter des modèles, car chaque pays et chaque peuple créent eux-mêmes leurs propres solutions.

Mon objectif aujourd’hui est de vous raconter brièvement ce que nous avons réalisé au Brésil depuis 2003 – année où Lula a été élu président pour la première fois – jusqu’à nos jours, au début du deuxième mandat de quatre ans de la présidente Dilma Rousseff.

Mon point de départ est la première déclaration publique de Lula, au moment où il a été élu.

Un journaliste lui a demandé ce qu’il comptait réaliser à la tête de la Présidence de la République.  Ce à quoi il a répondu :

“Ce que je souhaite c’est qu’à ma sortie du gouvernement tous les brésiliens puissent faire trois repas par jour”.

Et c’est à partir de ce but qu’il a commencé à fonder la structure qu’il considérait nécessaire pour relever ce défi.

Il affirmait qu’il était primordial “d’inclure les pauvres dans le budget de l’état 

Il a ainsi créé le Ministère du Développement Social et de la Lutte contre la Faim, pour coordonner exclusivement les programmes sociaux.

Il a constitué le Ministère du Développement Agraire pour s’occuper exclusivement de l’agriculture familiale, responsable aujourd’hui de 70% de la nourriture qui arrive à la table des brésiliens.

Le Ministère de l’Education est devenu la priorité majeure du gouvernement.

Il a renforcé la structure de notre banque de développement, la BNDES, et de deux autres banques publiques du pays, la Banque du Brésil et la Caixa Econômica Federal,pour élargir l’accès des plus pauvres au crédit.

L’ensemble de ministères et d’organes publics a été appelé à travailler de façon intégrée, motivé par un seul et même objectif : la lutte contre l’exclusion sociale.

En ce sens, le budget annuel du gouvernement a reçu une dotation pour la réalisation d’une série de programmes sociaux et de politiques publiques à cette fin.

L’idée était d’associer trois ensembles de programmes pour insérer le Brésil dans la voie du développement:

– les programmes d’inclusion sociale et les politiques publiques ;

– un programme de travaux publics pour construire l’infrastructure exigée par un pays aux dimensions continentales ;

– un programme audacieux de production d’aliments associant l’agriculture familiale, prédominante dans le pays,

à l’agrobusiness, indispensable pour produire rapidement et en grande quantité, et faire face à la situation d’insécurité alimentaire qui touchait 11% de la population du pays.

Dans la même voie, l’Afrique, à la recherche du développement et de l’intégration continentale, a, depuis 2011, créé le PIDA, son Programme de Développement des Infrastructures

Et, depuis 2004, le CAADP, son programme d’agriculture.

Lula a l’habitude de dire “Ce ne sont pas les aliments qui manquent dans le monde, mais plutôt l’argent pour que les personnes puissent accéder à l’alimentation“.

La figure de proue des programmes sociaux est le Projet Faim Zero, créé dès le premier jour du gouvernement, en 2003.

Ce programme mettait en avant une proposition pour combattre la faim, la misère et ses causes structurales, qui engendrent l’exclusion sociale.

Il a été conçu pour assurer la sécurité alimentaire de tous les brésiliens.

Le Projet Faim Zéro a donné lieu au Programme Fédéral de Sécurité Alimentaire et de Lutte contre la Faim,

distribué aujourd’hui entre plusieurs ministères et attaché au le Programme “Bourse Famille“(Bolsa- Família).

Il répond aux besoins de 14,1 millions de familles – près de 54 millions de personnes –  le quart de la population brésilienne.

Il coûte approximativement  9,5 milliards d’euros), près de 0,5% du PIB du Brésil.

Le premier pas pour son exécution a été la réalisation d’un travail de terrain aboutissant à la création du Registre Unique, un recensement identifiant de façon précise les familles les plus démunies du pays.

Ces familles ont reçu une carte contenant leurs données, qui leur permettait de retirer mensuellement  une somme en espèces directement auprès des agences des banques publiques.

Les montants reçus sont en moyenne de 20 euros.

Les cartes sont délivrées préférentiellement aux femmes, car se sont elles qui sont les responsables des soins donnés aux enfants.

Pour assurer cette prestation, le Programme exige l’accomplissement de 3 conditions :

1ère condition : que les enfants soient maintenus à l’école

2ème condition : que la femme enceinte réalise tous les examens prénataux

3ème condition : que les enfants soient vaccinés régulièrement contre les maladies les plus communes.

Les familles qui n’accomplissent pas ces normes perdent le droit de recevoir cette aide financière.

Les familles qui arrivent à améliorer leur situation et accroître leurs revenus, et qui quittent ainsi la ligne de pauvreté, rennoncent à la Bourse-Famille.

En 2014, 1,5 millions de familles ont ainsi quitté le programme.

Comme le Brésil est un pays de vastes dimensions, le gouvernement actualise annuellement ces données, pouvant de ce fait intégrer de nouvelles familles dans le programme.

Beaucoup de personnes se sont demandées s’il ne serait pas plus approprié de distribuer des aliments à la place de l’argent.

L’explication est simple : pour tuer la faim, il ne suffit pas d’avoir accès à de la nourriture.

Il faut posséder un fourneau, du combustible, un réfrigérateur, une armoire pour approvisionner les aliments, et en plus, respecter les coutumes de chaque famille.

D’autres ont dit que le programme encouragerait l’indolence.

Les Brésiliens qui pensaient ainsi faisaient preuve d’un préjugé cruel – celui de considérer que les personnes sont pauvres par paresse, lorsqu’en vérité, ce qui leur manque effectivement sont les opportunités.

Mais le Programme Bourse-Famille a un autre aspect qu’il est très important de faire ressortir.

Il dynamise le commerce local et la consommation d’autres produits de base en plus des aliments.

A ceux qui considèrent difficile de mettre en œuvre ce programme, je voudrais les encourager à commencer àl’implanter dans une région du pays et à le développer peu à peu.

Plusieurs gouvernements africains comme le Senegal, l’Angola et le Soudan étudient aujourd’hui la mise en place  de programmes similaires au Bourse Famille.

Le Bourse Famille est notre programme le plus important de distribution de revenus, mais il opère en intégration avec d’autres programmes.

Le Programme d’Acquisition d’Aliments est un autre programme très important pour ceux qui habitent à la campagne.

Comment fonctionne-t-il?

Le petits agriculteurs bénéficient de l’aide technique de l’Embrapa, notre entreprise de recherches agricoles e agropastoralres, et reçoivent un crédit spécial des banques publiques.

Le crédit offert aux petits agriculteurs est passé de 2,8 milliards de réais à 28 milliards de réais au cours de la dernière récolte, ce qui correspond à près de 9 milliards d’euros.

Cette aide leur a permis d’augmenter leur production.

Mais à qui vont-ils vendre cet excédant de production?

Le gouvernement achète ces aliments et l’utilise pour les repas scolaires et les enfants, dont l’alimentation quotidienne est assurée, ont un motif de plus pour aller à l’école.

Aujourd’hui toutes les écoles publiques brésiliennes offrent des repas scolaires aux élèves, et tous les enfants brésiliens ont accès à l’école.

Cinq pays africains, il y a déjà deux ans, ont commencé à appliquer le Programme d’Acquisition d’Aliments : le Sénégal, le Niger, le Malawi, l’Ethiopie et le Mozambique.

Et également pour les petites agricultures, le Gouvernement Lula a créé le ProgrammePlus d’Aliments.

Il s’agit d’un programme de financement à des taux et conditions spéciales pour l’acquisition de tracteurs, de machines et d’équipements agricoles.

Ce programme est en cours aujourd’hui dans le Brésil entier et commence à atteindre cinq pays africains : le Ghana, le Kenya, le Sénégal, le Mozambique et le Zimbabwe, qui devront acquérir plus de 2.000 tracteurs dans ces conditions.

Une autre action également de grande importance a été la consolidation de l’Embrapa, notre entreprise de recherche dans le domaine de l’agriculture.

A l’aide d‘études réalisées par cette entreprise, le Brésil est parvenu à rendre productifs les sols du centre du pays, appelés “cerrados”, et similaires aux ‘savanes’ africaines.

En 2006, pendant le gouvernement Lula, le Brésil a commencé à transformer l’Embrapa en une entreprise internationale. Elle ouvre son premier bureau à l’étranger, à Accra, dirigé vers l’Afrique entière.

C’est encore un très petit pas, mais ce n’est que le premier.

J’aurais besoin de plus de temps ici pour décrire toutes les politiques publiques et les programmes sociaux brésiliens,

tous intégrés entre eux et coordonnés par divers ministères opérant en commun.

Ces programmes ont permis que le Brésil atteigne durant ces 12 dernières années le rang de la septième économie du monde et concrétise un vaste processus de distribution de revenus et d’inclusion sociale, une conséquence et une des causes  de la croissance économique du pays.

Je pourrais, par exemple vous raconter comment fonctionne notre programme de construction de logements, le programme « Ma maison, Ma Vie »,

notre programme d’électrification rurale, « Lumière pour Tous »,

nos programmes pour faciliter l’accès à l’Université aux pauvres,

le programme pour faciliter le crédit bancaire,

les mesures entreprises pour combattre les préjugés raciaux et la défense des droits de la femme,

nos initiatives pour faciliter l’accès à l’emploi.

Autrement dit, un ensemble de politiques qui ont permis que le Brésil maintienne un taux de chômage qui est un des plus bas dans le monde, 4,8 %,

e ont permis aussi 40 millions de persones hors de la ligne de la pauvreté.

Et cela en pleine crise économique internationale, qui  se traîne déjà il y a déjà sept ans.

Un ensemble de stratégies qui ont permis également que le Brésil puisse quitter ce que l’on appelle « la Carte de la Faim », de la FAO, comme annoncé par cette organisation en octobre dernier.

Le Brésil a été en mesure de combiner le développement économique avec la democratie et l’inclusion sociale.

Mais ce que je veux souligner ici en ce moment d’échange d’expériences avec nos camarades et nos amis, est le fait que la réussite de la lutte pour l’inclusion sociale et pour assurer la sécurité alimentaire à la totalité des populations africaines et brésiliennes dépend principalement de l’action l’action des femmes, des hommes et des gouvernants.

C’est pour cette raison, que l’ancien président Lula, après avoir quitté le gouvernement, a créé cet Institut, dont l’objectif principal est d’entreprendre  le rapprochement de nos relations avec l’Afrique, en matière de coopération, de culture, de paix, de démocratie, des droits de la personne et d’échanges commerciaux.

Pour finir, le voudrais vous parler de deux activités importantes qui auront lieu prochainement sur le territoire africain et qui bénéficieront de l’appui et de la participation de l’Institut Lula :

Le premier est le « Séminaire International sur la Protection Sociale en Afrique, » le 8 et le 9 avril, à Dakar, du président Macky Sall.

C’est une activité qui rassemble des représentants de 15 pays africains et qui est une initiative de l’Union Africaine, de la FAO, du PNUD et du gouvernement brésilien, en plus de diverses entités internationales.

Ce séminaire présentera ses résolutions lors de la Réunion des Ministres Africains du Travail et de la Protection Sociale, qui se tiendra à Addis-Abeba du 20 au 24 avril.

La deuxième  action du Institut Lula c’est le partenariat que nous avons signé avec l’Union Africaine, la FAO et le NEPAD à Addis-Abeba, en juillet 2013, pour établir de nouvelles approches visant à éradiquer la faim en Afrique d’ici à 2025.

Cette partenariat est importante pour mettre en œuvre un plan de travail dans les quatre pays qui ont été choisis pour la mise en ouvre des projets pilotes – le Malawi, l’Ethiopie, l’Angola et le Niger.

A cause de notre partenariat l’ancien président Lula será present à la Conférence Mondiale de la FAO, qui aura lieu le 6 juin à Rome et parlera de la situation en l’Afrique.

Je crois donc, mes amis, que la meilleure contribution que le Brésil peut offrir à l’Afrique en ce moment de croissance économique de votre continent est d’échanger ses expériences sur en matière de politiques sociales et de  production d’aliments.

Le Brésil, de même que la quasi-totalité des pays africains, est une ancienne colonie européenne,et a été pendant longtemps considéré comme un pays sous-développé.

Aujourd’hui, de la même façon qu’en Amérique du Sud et en Afrique, nous nous trouvons clairement sur la voie du développement économique et social, confrontés, il est vrai, à de nombreux problèmes et à de considérables difficultés, mais qui pourront être solutionnées si nos actions sont réalisées conjointement à l’aide de partenariats solides et consistants.

Je tiens à conclure  ma présentation en citant l’ancien- président Lula :

« Je considère que les pays plus riches peuvent jouer un rôle fondamental dans cette lutte, en appuyant les programmes locaux, mais en faisant également des investissements, et en encourageant leurs entreprises à investir dans le développement durable des pays plus pauvres »

« Il n’est pas possible de parler de paix dans un monde qui souffre encore de la faim. Toute action contre la violence politique sera vaine s’il n’y a pas d’opportunités de vie digne pour des centaines de milliers de personnes qui vivent dans la périphérie d’un monde qui concentre la richesse ».

Je vous remercie.

Celso Marcondes

Directeur pour l’Afrique de l’Institut Lula

[email protected]