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“On punit les victimes de la crise et on distribue des primes aux responsables de cette même crise”, dit Lula

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L’ex-président du Brésil, Luiz Inácio Lula da Silva, a critiqué les politiques d’austérité qui sont utilisées pour résoudre la crise en Europe et a salué l’initiative africaine pour promouvoir la croissance du continent. La déclaration a été faite à Rio de Janeiro, au cours du séminaire “Investir en Afrique: opportunités, défis et outils pour la coopération économique“, organisé par la BNDES. L’ancien président a parlé de la crise européenne et de l’importance d’initiatives telles que le Programme de Développement des Infrastructures en Afrique, Pida.

Pour voir plus de photos et de télécharger des images haute résolution, visitez le Picasa de l’Instituto Lula.

Écoutez ci-dessous la parole de l’ancien président lors du séminaire (en portugais):


 Discours prononcé par le président Lula:

Mes chers collègues de la tribune, mesdames, messieurs les officiels présents, les chefs d’entreprise, les diplomates, mes amis invités, chers collaborateurs de la BNDES, chères et chers amis. Tout d’abord un commentaire. Il y a sept mois que je ne parle pas. J’espère que je n’ai pas désappris à parler. Je vais essayer de lire ici le plus lentement possible pour voir si ma gorge me laisse aller au bout de mon discours. Il n’est pas bien long, mais je parlerai plus lentement.

Je voudrais vous parler du bonheur que je ressens d’être ici, Luciano, particulièrement en ce moment où je peux vous féliciter, vous, et les autres directeurs et toute l’équipe de la BNDES. En effet, nous fêtons aujourd’hui la 60e année d’une des institutions les plus importantes du Brésil – et pourquoi ne pas le dire – la plus grande banque d’investissements du monde.

Le fait d’être de retour à Rio de Janeiro pour parler des relations entre le Brésil et l’Afrique me remplit de fierté et de bonheur. Et ces sentiments sont encore plus vifs lorsque je regarde cette salle et que je vois la quantité de grandes entreprises ici présentes, sachant que c’est de toutes ces entreprises dont dépend, en partie, le succès des politiques qu’il nous faut mettre en œuvre pour développer nos relations avec le continent africain.

Et, en plus, pour être aux côtés des illustres visiteurs qui sont venus de si loin pour présenter les plans élaborés par les africains pour construire la nouvelle Afrique du XXIe Siècle.

C’est pour cette raison, cher Luciano [Coutinho, président de la BNDES], que je vous félicite de la réalisation de ce séminaire. Je voudrais également saluer notre cher gouverneur de l’État de Rio de Janeiro, Sérgio Cabral, notre maire Eduardo Paes, et leur dire que tout ce qui a été fait en faveur notre chère ville de Rio de Janeiro était un devoir du Gouvernement fédéral, pour remettre sur pieds ce que les autres gouvernements avaient détruit pendant une partie de l’histoire de Rio de Janeiro. Rio de Janeiro, en raison de ce que cette ville représente pour le Brésil mérite un partenariat toujours plus solide avec le Gouvernement fédéral.

Je voudrais profiter de cette occasion pour vous parler un peu des relations entre le Brésil et l’Afrique de nos jours. Il est très important de discuter ce sujet, car le monde est confronté à une crise économique de grande envergure.

Une crise qui nous affecte tous, au Brésil, en Afrique, et qui est toujours traitée par les pays riches de la même façon : avec des « mesures d’austérité ». Cela se traduit par la réduction des investissements publics, des baisses de salaires, des licenciements, la remise en cause des acquis sociaux des travailleurs, l’augmentation de l’âge minimum de la retraite.

On demande au peuple, aux travailleurs et aux États dont l’économie est plus fragile de se plier à des mesures d’austérité. Mais en même temps, on adopte des programmes et des programmes qui injectent toujours plus d’argent dans le système financier, favorisant justement les secteurs responsables de la spirale spéculative qui a provoqué la crise qui nous affecte aujourd’hui.

En fait, on punit les victimes de la crise et on distribue des primes aux responsables de cette crise. Il y a quelque chose qui sonne faux dans cette façon de faire. Il semblerait que les organismes multilatéraux ne disposent pas du leadership et de l’autorité nécessaire pour faire valoir leurs délibérations.

Je me souviens que les pays du G20, s’étaient mis d’accord en 2009, sur l’adoption d’une série de mesures pour renforcer la régulation des marches financiers. Mais depuis, rien ne s’est concrétisé. J’observe le déroulement de la crise et je constate avec tristesse que beaucoup de gouvernants des pays riches sont toujours guidés par la même logique qui a produit la crise de 2008, non encore résolue. Une logique qui peut être ainsi résumée : tout l’appui possible au secteur financier pour qu’il sorte indemne de la crise ; aux travailleurs, aux retraités, aux plus fragiles, aux pays plus pauvres, aucun soutien.

D’où, l’extraordinaire importance du programme de développement que les 54 pays d’Afrique ont récemment adopté, qui mise sur la croissance, sur la production, sur le travail et sur le crédit. Les africains ont mis en place un programme inédit, dont le mot d’ordre est « Relier, Désenclaver et Transformer le Continent”. Un programme qui crée les conditions nécessaires pour intensifier le commerce entre les pays d’Afrique. L’initiative de l’Union Africaine montre le sérieux de ceux qui, devant la crise, ne perdent pas espoir. Elle propose des mesures d’aide à l’investissement, pour augmenter la consommation interne et créer plus d’emplois. L’Union Africaine a raison : l’heure est à l’audace, pas à la passivité. L’heure est à l’union et pas à la division. L’heure est à la solidarité entre les nations et pas à l’oppression des plus forts sur les plus faibles.

Chères et chers amis, La paix, la démocratie, la croissance et la répartition des richesses sont les marques déposées de l’Afrique du XXIème Siècle. En dépit des problèmes auxquels elle est encore confrontée ici et là, l’Afrique va de l’avant pour surmonter l’héritage dévastateur du colonialisme et des rivalités entre les grandes puissances de la Guerre Froide.

Le Continent consolide sa démocratie à grands pas. En 2011, en Afrique du Nord, la population a envahi les rues pour exiger la démocratie. C’est ce que l’on a appelé le « Printemps Arabe ». En 2012, 25 élections seront réalisées en Afrique, pour élire des chefs d’État et des Parlements. Oui, mes amis, 25 élections. Ce n’est pas rien. Ce sont des peuples qui donnent toute sa valeur à la démocratie et qui veulent, sans recevoir de leçons de quiconque, avoir le droit de choisir leurs gouvernants. Ça, pour moi, c’est extraordinaire car, au Brésil, les nouvelles qui nous arrivent d’Afrique, lorsqu’elles arrivent, sont toujours mauvaises. Et l’Afrique est pleine de bonnes nouvelles. Il est réconfortant de savoir que le PIB du Continent croît depuis dix ans déjà à des taux élevés, avec une prévision à 6% pour 2012 ; que la classe moyenne en Afrique dépasse déjà les 300 millions de personnes ; que le nombre de jeunes à l’école et dans les universités ne cesse d’augmenter ; que plus de 420 millions d’Africains utilisent des téléphones portables, et que 100 millions d’entre eux on accès à l’Internet.

Chères et chers amis, Les relations entre le Brésil et l’Afrique traversent un moment très spécial. Pour la première fois dans l’histoire, la croissance économique de l’Afrique est associée à la croissance économique du Brésil. Le Brésil est aujourd’hui la sixième économie du monde et porte de nouvelles responsabilités dans la planète mondialisée. Plutôt que d’être paralysés par la crise internationale – qui n’a été provoquée ni par des Brésiliens ni par des Africains – renforçons plutôt nos échanges et nos relations économiques. Nous sommes des partenaires naturels, nous sommes des amis de longue date et nous sommes des frères pour toujours. D’immenses possibilités restent encore à exploiter par les Brésiliens, par les Sud-Américains et par les Africains. Le temps où l’Océan Atlantique nous séparait est déjà loin. Il nous unit plutôt comme une vaste frontière. Nous sommes voisins et nous sommes baignés par les mêmes eaux.

Je suis convaincu que l’heure est venue pour le Brésil de s’acquitter de l’immense dette de solidarité que nous avons envers l’Afrique. Notre pays n’a conquis la puissance qui est la sienne aujourd’hui que grâce à la sueur et au sang que des millions d’africains ont versé dans les mines, dans les plantations, dans les villes du Brésil, et dans la résistance des Quilombos. Et leurs descendants sont aujourd’hui des participants fondamentaux de la lutte pour les droits sociaux et de la démocratie. Ce que nous sommes aujourd’hui, nous le devons en grande partie au peuple africain.

Le Brésil est aujourd’hui le pays qui abrite la plus grande population d’afro-descendants du monde. Nous avons une identité commune très forte avec l’Afrique. Cette caractéristique pourra également aider les entreprises brésiliennes à tirer parti des innombrables opportunités d’affaires qui s’ouvrent devant nous.

Mais, attention, l’Afrique ne veut, ni ne doit être dirigée par d’autres pays. L’Afrique veut consolider sa démocratie, gérer elle-même son destin et développer le bien-être de sa population, sans interférences politiques ou militaires des nations étrangères. L’Afrique veut conquérir l’autosuffisance alimentaire et énergétique et construire une logistique d’intégration qui lui permettra de faire un bond en avant dans le domaine de la coopération continentale.

Le Brésil peut contribuer de façon significative dans tous ces domaines, considérés cruciaux. Au cours des 40 ou 50 dernières années, nous avons accompli des progrès extraordinaires en technologie de l’agriculture tropicale. Nous sommes aujourd’hui l’un des grands producteurs d’aliments du monde. Nous avons les terres, l’eau, la main d’œuvre, la technologie et le soleil – un immense avantage par rapport à l’agriculture des climats tempérés.

L’Afrique partage avec nous beaucoup de ces caractéristiques. Avec les technologies appropriées et profitant de l’expérience d’Embrapa, elle pourra effectuer  un bond extraordinaire au cours des prochaines décennies.

Le 21ème Siècle est le siècle de l’agriculture tropicale. Regardez la mappemonde et constatez : la savane africaine ressemble beaucoup à notre « cerrado », qui est aujourd’hui notre grand grenier. Je suis certain qu’en très peu de temps l’Afrique pourra alimenter sa population sans dépendre de personne, mais aussi exporter des céréales, de la viande et du biocarburant vers d’autres pays du monde.

Nous voulons travailler côte-à-côte avec l’Afrique dans ce bond vers l’avenir L’Afrique possède tout ce dont elle a besoin pour conquérir son autosuffisance énergétique. Elle possède de grands gisements de pétrole et de gaz, elle peut devenir un grand producteur de biocarburants et est favorisée, en plus, par un potentiel hydraulique spectaculaire et pratiquement inexploité.

Le Brésil a une longue expérience dans tous ces domaines. Il est habitué à tirer parti de ses ressources naturelles au milieu de vastes étendues. Il a appris à résoudre des problèmes de coopération et de désenclavement sur des territoires continentaux. Nous sommes un pays tropical qui détient ses propres technologies et nous voulons en faire profiter l’Afrique pour qu’elle atteigne l’autosuffisance énergétique.

Nous voyons également avec satisfaction que le concept du PIDA est celui de la construction d’une logistique d’intégration de l’Afrique. Il s’agit là d’un élan irrésistible pour le rapprochement entre les divers pays africains.

Il fut un temps où les pays d’Amérique Latine se contentaient de regarder vers l’Europe ou vers les Etats-Unis. Et nous nous tournions mutuellement le dos. Heureusement cette époque est révolue et nous avons appris que le rapprochement entre nos économies et l’intégration de nos logistiques ne nous rapporterait que des avantages.

Les chiffres sont impressionnants.

Les exportations brésiliennes vers l’Afrique sont passées de 2,4 milliards de dollars en 2002, à 12,2 milliards de dollars en 2011. La somme des exportations et des importations est passé de 4,3 milliards de dollars en 2000, à 27,6 milliards en 2011.

Nous avons aujourd’hui des partenariats en cours dans la construction et la gestion de centrales électriques, de lignes de transport, de routes, de voies ferrées et de programmes d’aide au développement technologique. Nous pouvons partager nos expériences et celles des autres pays d’Amérique du Sud avec nos frères d’Afrique.

On ne peut plus envisager l’Afrique comme par le passé : un simple fournisseur de minerais, de gaz et de pétrole.

Nous devons chercher des partenaires africains. La main-d’œuvre de nos entreprises doit être africaine. Nous ne recherchons pas l’hégémonie, mais plutôt un partenariat, comme celui qui a été monté dans le domaine de l’éducation, lorsque nous avons créé, ensemble, l’Université Luso-Brésilienne, l’UNILAB, installée à Redenção, dans l’Etat du Ceará.

Nous voulons aider à développer des entreprises africaines, aider à former des techniciens. Nous voulons transférer de la technologie comme c’est déjà le cas avec la fabrication d’antirétroviraux, au Mozambique.

Le Brésil peut contribuer également, avec son expérience des politiques publiques de combat contre la faim et la misère.

Chères et chers amis,

Nous avons suivi des voies qui nous ont permis de faire entrer plus de 40 millions de Brésiliens dans les classes moyennes, de créer plus de 17 millions d’emplois déclarés, d’augmenter le salaire minimum des travailleurs, sans faire monter l’inflation, d’apporter pour la première fois l’électricité à 15 millions de personnes, grâce au programme Luz para Todos (Lumière pour tous). Et il est important de souligner que le ministre brésilien des Mines et de l’Energie, M. Lobão a été désigné par le secrétaire-général des Nations-Unies, M. Ban Ki-Moon, pour transférer l’expérience de ce programme – mis en œuvre par son ministère – à tout le continent africain. Nous espérons que vous aurez également du succès dans cette entreprise, cher M. Lobão.

Chères et chers amis,

Les gouvernants, de quelque pays que ce soit, doivent assumer la responsabilité de parler au nom des pauvres et de d’allouer, dans les budgets, les fonds nécessaires à la lutte contre la misère et la pauvreté.

Les pauvres doivent prendre leur part au développement. Pour cela, la voie à suivre est celle qui élargit la démocratie, qui met la santé et l’éducation au service du peuple, qui répartit les richesses, qui stimule la consommation et qui réalise de grands travaux.

Centrales électriques, routes, voies ferrées, ports, aéroports, de meilleures communications, de l’eau et de la nourriture pour tous. Voilà l’esprit qui nous a guidés dans la mise en place du Programme d’Accélération de la Croissance ici au Brésil, notre PAC. C’est ce vaste programme que notre chère camarade, la présidente Dilma, met en œuvre avec encore plus de compétence et en synergie complète avec le Plan Brasil sem Miséria. (Brésil sans Misère). Et c’est cet esprit qui guide également notre Programa para o Desenvolvimento da Infraestrutura (Programme pour le Développement des Infrastructures), le PIDA de l’Union Africaine. Je suis convaincu que nous pouvons élargir notre coopération et nos investissements en Afrique. Nous pouvons certainement faire beaucoup plus que ce que nous avons fait à ce jour.

Le moment est venu, et tout doit être mis en œuvre pour ne pas rater cette opportunité.

Je voudrais, mon Cher Luciano, mesdames, messieurs les chefs d’entreprises, vous dire que j’étais déjà très optimiste lorsque j’occupais la Présidence de la République, que je me suis senti plus optimiste lorsque j’ai transmis le poste de Président de la République à la Présidente Dilma et que je le suis encore plus aujourd’hui. Je pense que la génération de chefs d’entreprise, présente à cet événement, n’a jamais vécu un moment aussi historique que celui que nous vivons aujourd’hui, en termes de possibilités qui s’ouvrent au Brésil d’aujourd’hui. Jamais.

Si on regarde vers le Brésil des années 2020, 2030, on verra qu’aucun gouvernant brésilien, de quelque génération qui soit, n’a eu le privilège de voir ce pays prêt à devenir  une des grandes nations du monde. Et attention ! Avec un changement de qualité. Voir l’amélioration de la vie du peuple brésilien, l’amélioration de la qualité de la nation, ce n’est pas simplement regarder la croissance du PIB, comme avant. Avant, on calculait le PIB et à partir de là on parlait du reste. Mais aujourd’hui, ce qu’il faut regarder c’est le revenu des personnes.

Le PIB c’est important, certes, mais ce qui est vraiment important c’est la richesse qu’on redistribue dans le peuple. Et alors là, la richesse cela voudra dire quelque chose.

Et je pense que cette rencontre nous prouve que l’Afrique est de plus en plus dans l’esprit, dans l’âme et dans le cœur du gouvernement, du peuple et des chefs d’entreprise brésiliens.

Bonne chance !

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